« Si tu vois qu’un village est intéressant, c’est qu’un chef le dirige. »


24 juin 2009


L’installation du chef traditionnel de canton de Douroula



Bonjour chers(ères) ami(e)s,


En ce jour de la Saint-Jean-Baptiste, je vous rédige mon dernier message avant mon départ en vacances au Québec. Je vais vous parler de la fête qui a eu lieu pour l’installation du chef traditionnel de canton de Douroula, le 28 mars dernier. Douroula est un village situé à 25 km de Dédougou. Dédougou est le chef-lieu de la région de la Boucle du Mouhoun alors que Douroula est un des nombreux cantons de la région. Le dernier chef de Douroula est décédé il y a environ 10 ans. Traditionnellement, le chef coutumier devait être animiste. La population de Douroula est toutefois maintenant musulmane et ainsi l’introduction du chef a tardé afin de passer d’une religion à une autre. Le nouveau chef est donc maintenant un musulman mais qui respecte toujours la voix et la parole des ancêtres.


Beaucoup de personnes provenant de toute la région étaient présentes pour cette fête : l’imam de la grande mosquée de Dédougou, le Haut-Commissaire, le commandant de la gendarmerie, le commissaire de police, l’ambassadeur du Burkina en Arabie Saoudite (originaire de Douroula), le ministre de la justice (originaire de Douroula), le représentant des prêtres catholiques, etc.



L’imam de la grande mosquée de Dédougou (en rose) accompagné de 2 protocoles.

L’ambassadeur du Burkina en Arabie Saoudite (gauche) avec le ministre de la justice (droite).



L’arrivée du chef de Dédougou m’a semblé triomphale. Il est arrivé accompagné de ses protocoles, de ses griots et de ses danseurs. J’étais trop fière d’être de Dédougou !! Il faut savoir que ce chef est celui qui commande tous les chefs de canton de la région de la Boucle du Mouhoun.


Chef coutumier de Dédougou : Dayo Lombo Albert.




Maison en banco du chef de Douroula devant laquelle a eu lieu la fête.


La cérémonie a débuté avec des prestations de danse traditionnelle des troupes de Douroula et de Dédougou. Elle s’est ensuite continuée avec la présentation de la lance traditionnelle avec laquelle les chefs ont combattu pour protéger Douroula. Le chef est ensuite sorti triomphalement entouré par tous les personnages coutumiers importants du village. Ce nouveau chef est un ancien commissaire de la police à la retraite ; il est aussi maire de Douroula. Il se nomme Soirè Yacouba. Plusieurs discours ont eu lieu, dont celui du nouveau chef évidemment.


Nouveau chef de Douroula sur son trône.




Présentation de la lance traditionnelle.

Remise de la lance au nouveau chef de Douroula (en blanc) par les dossos (chasseurs). Remarquez le parapluie pour protéger le chef du soleil.

Chef de Douroula posant avec le chef des dossos.

La tradition et la modernité : le chef coutumier en compagnie de son fils.


Les dossos, qui sont les chasseurs traditionnels chassant les biches, les hippopotames, les caïmans, etc. et qui connaissent les signes de la brousse, étaient très présents dans cette cérémonie. Ils ont dansé sur la musique des griots et ont mimé les gestes qu’ils font lors des chasses : ils ont rampé, se sont cachés, ont couru, ont tiré des coups de fusils (de vrais !) et se sont félicités quand ils avaient tué leur proie.


Le chef des dossos a un pouvoir très particulier : le fer ne peut pas entrer dans son corps. Ainsi, les lames de couteau ne le coupent pas, les balles de fusil ne transpercent pas son corps, les sorts ne peuvent pas entrer dans son corps (les aiguilles, les lames lancées comme sort par exemple), etc. Il nous a d’ailleurs fait une démonstration assez impressionnante. Il avait un couteau en main et il a couru puis a sauté pour couper vivement une branche d’arbre avec ce couteau qui, de toute évidence, était extrêmement tranchant. Il a ensuite utilisé ce couteau pour essayer de se trancher la langue mais… ça ne coupait pas !! Les dossos sont aussi des gens qui fabriquent des médicaments traditionnels avec des feuilles, des racines, des os, des cornes, des poils, etc. pour guérir différentes maladies. Chaque dosso a sa spécialité.


Chef des dossos (celui avec les cheveux longs) dont ont a levé la main pour le féliciter de sa chasse. Les griots sont les musiciens à droite.


Dossos de Douroula.

Dossos rampant pour mimer la chasse.




La clôture s’est faite avec la sortie des masques. Au Burkina, les masques ont été découverts par les ancêtres en brousse. Ils sont des personnages sacrés des animistes. Le masque hirondelle (voir photo), par exemple, est généralement le masque qui sort pour demander la pluie. Comme Douroula est maintenant un village musulman, les masques de la fête provenaient du petit village animiste de Gossina. Les masques sont des entités très complexes et il n’est pas simple de comprendre réellement et profondément ce qu’ils sont et ce qu’ils représentent. De plus, les femmes n’ont parfois pas accès à certains types de masques et à certaines cérémonies les concernant. Il y a aussi beaucoup de types de masques : les masques blancs, les masques de feuilles, les masques de fibre, etc. De plus, chaque région, chaque ethnie a ses masques et une histoire particulière. Je vous reviendrai un jour pour vous expliquer plus en détail l’animisme et tout ce qui est associé à ces croyances traditionnelles. Ça demande un peu de temps passé en Afrique et d’expériences pour découvrir, comprendre et obtenir quelques explications concernant ces croyances sacrés.




Masque hirondelle de Gossina (masque de fibres)


Cette fête fut réellement un moment intense pour moi. Au début de la cérémonie, j’ai été envahie par un bonheur immense. J’ai senti comment j’étais chanceuse et privilégiée d’être présente à cette fête traditionnelle africaine. Danses, griots, chefs coutumiers, dossos, masques, etc. sont tous des éléments extrêmement forts et puissants des traditions du Burkina. Moi qui rêve depuis longtemps de cette Afrique, j’ai senti profondément la chance que la vie m’a donné de vivre ici dans la cité de Bankuy (Dédougou) et d’être présente à cette fête traditionnelle.


Merci pour tout Burkina Faso, magnifique pays des hommes intègres !


Voilà chers amis et chères amies de partout dans le monde. J’espère que cette nouvelle page de ma vie au Burkina vous a plu. Je vous souhaite un magnifique été rempli de soleil et de chaleur que je vous envoie du Burkina.



Je vous embrasse

Rosanne







Moi avec Elodie, la fille d’une de nos animatrices bissap’s à Konankoïra