24 octobre 2008
Le Ramadan à Dédougou
Le Ramadan est le mois de carême des musulmans. Pendant ce mois, les musulmans doivent jeûner, donc ne pas manger ni boire, du lever au coucher du soleil. Je ne m’aventurerai pas sur le détail des autres contraintes à respecter pendant ce mois, genre ne pas fumer, ne pas avoir de relations sexuelles, etc. Je vous laisse faire ces recherches par vous-même.
Le début et la fin du Ramadan dépendent de la position de la lune et donc varient d’une année à l’autre (je crois que d’une année à l’autre c’est plus tôt dans l’année que l’année précédente). Le carême commence la première nuit de la nouvelle lune après la lune noire et se termine quand on voit la nouvelle lune suivante. Cette année au Burkina Faso, le Ramadan a commencé le 1er octobre. Un comité religieux, basé à Ouagadougou je crois, détermine officiellement quand le Ramadan commence et se termine.
Étant donné que je suis ici au Burkina avec certains amis musulmans (le Burkina compte 55% de musulmans, 20 % de chrétiens et 25 % d’animistes), j’ai décidé de faire le jeûne une journée par semaine et la dernière journée. Je me disais que ça m’aiderait à comprendre ce que vivent les musulmans pendant cette période et aussi ce que vivent simplement ceux qui n’ont pas assez à manger à longueur d’année….. Pour me faciliter la tâche, je dois avouer que j’ai finalement jeûné les samedis, journée où je ne travaille pas a priori, ce qui ne fut finalement pas vrai pour tous les samedis toutefois.
Le principe est donc que la nuit, avant le lever du soleil, les gens se lèvent pour manger. Cette année on devait manger avant 4h45 environ et le soir on pouvait manger vers 18h30. J’ai su aussi par la suite que les musulmans ne doivent pas non plus dormir du lever au coucher du soleil pendant cette période, ce que je n’ai pas respecté, d’ailleurs je n’ai connu cette règle qu’à la fin du Ramadan (ouf !!!).
Première journée de carême
Ma première journée de carême fut un « jeûne sec », comme ils disent ici : je n’ai ni mangé ni bu le matin avant le lever du soleil. Je dormais chez un ami qui devait me réveiller à 4h mais qui ne l’a pas fait et j’ai décidé tout de même de faire carême ce jour-là. Ouain, je peux vous dire, ce n’est pas facile tout cela !! Vers midi, tu commences à avoir réellement faim puis la faim disparaît mais la soif est toujours présente et c’est vraiment ce qui est le plus difficile à supporter. Alors tu passes ta journée à rêver à ce que tu vas manger et boire à la rupture (du jeûne) le soir ! Moi l’après-midi j’ai joué aux cartes avec des amis et à un moment, je n’avais plus aucune idée des cartes que j’avais en main et je ne faisais que poser les cartes qu’un ami me disait de jouer ! J’avais l’esprit complètement embrouillé. J’ai lâché le jeu, je me suis étendue sur un banc en bordure de la route et j’ai dormi comme une bûche ! Ça m’a fait le plus grand bien et grâce à ce repos, j’ai pu terminer mon jeûne avec l’esprit un peu plus clair. Il y avait eu des paris sur mon cas et les gens ne croyaient pas que j’allais tenir le coup : c’était mal me connaître car je tenais vraiment à faire toute la journée, ce que j’ai finalement réussi.
Le soir, en général, je faisais la rupture avec mon ami Damond. On planifiait un peu avant la fin de la journée qui allait acheter quoi. Moi je rêvais de boire toute la journée, c’est donc ce qui m’importait le plus. Des boissons sucrées fabriquées maison sont particulièrement intéressantes pendant cette période : le bissap’s (jus rouge fabriqué avec les fleurs d’hibiscus), le mougoudji (jus de petit mil) ou le gnamakoudji (jus de gingembre). La bouillie de petit mil est aussi très populaire pour la rupture ainsi que le dégué (le dégué c’est chiant car ce nom est utilisé pour plusieurs friandises mais là je parle des petites billes de mil dans le lait, le yaourt ou le lait caillé). Avec Damond, on achetait aussi des bananes, des womis (galettes de petit mil, délicieux), de la pastèque et Damond m’a aussi fait manger la fameuse soupe, comprendre plus précisément la soupe de tête de mouton ! Ça j’ai quand même eu du mal. Par chance que j’avais déjà vu cette soupe et que je me préparais depuis quelques semaines à devoir l’affronter un jour. Donc dans l’assiette, il y a la moitié de la tête qui baigne dans un bouillon et tout se mange, tout ! C’est étrange mais le fait d’avoir la tête là, dans ton plat, et de devoir enlever toi-même les parties de la tête que tu vas manger, ça augmente le degré de difficulté de l’activité. Damond m’a proposé de commencer par le cerveau….. La difficulté est réellement psychologique parce que le cerveau c’est crémeux et très bon mais pourtant dans ma bouche, j’y allais lentement, très lentement. Puis on a mangé les joues, la peau et je ne sais trop quoi encore mais je dois avouer qu’il y a une chose que je n’ai pas pu manger : les yeux. Je les ai toujours laissés à Damond qui avait en fait l’air très heureux et semblait de régaler alors tant mieux pour nous deux !!
La fameuse soupe de tête : vous voyez bien les dents ???
Damond et moi à la rupture du jeûne en train de bouffer la soupe (à la main, sans cuillère !).
Remarquez sur la photo qu’on mange dehors. Je dois vous dire qu’à part le travail, presque toutes mes activités se font dehors, surtout avec les amis. Je discute, je joue aux cartes, je mange, je bois le thé, je regarde la télé, je dors le jour (sur un banc ou sur une natte), etc. toujours dehors, habituellement devant les petits commerces de mes amis dans notre quartier : Damond est coiffeur, Abdou vend le poisson et le lait, Youl vend de l’art, Solo vend de l’essence, Mathurin est tailleur, etc.
Soirée thé dehors devant chez moi avec Abdou et Ladji.
(Ces temps-ci il y a plein d’insectes à Dédougou le soir, particulièrement autour des lumières 9pas surprenant). Donc en ce moment plein d’insectes me tombent dessus dans mon bureau au travail, vivants ou morts parce que brûlés par la lumière. Du coup, les crapauds sortent aussi. Il y a donc un crapaud dans mon bureau qui se régale de tous ces insectes !!)
Deuxième journée de carême
Le samedi suivant, mon organisation fut différente afin de m’assurer que j’allais manger avant le lever du soleil cette fois-ci. Un ami a dormi chez moi mais j’avais mis le réveil-matin à 4 heures pour être certaine que je contrôlais moi-même la situation. Donc à 4 heures on était debout et on est parti dans la nuit en direction de la boutique de Damond. C’est la nuit noire, tout est calme mais par-ci par-là des gens se promènent (surtout des hommes) et en ville il y a un kiosque de bouffe ouvert pour les musulmans. On part s’acheter à manger (riz-pâtes) et j’essaie de manger le plus possible et de manger avant 4h45. Moi je suis allée me recoucher par la suite mais Damond qui faisait le carême sérieusement est resté debout. Plus tard dans la journée je suis partie avec Youl en vélo à Blady dans le village de sa maman à environ 25 km de Dédougou. La route fut un peu longue et je n’appuyais pas vraiment sur les pédales. À un moment, j’ai bien rigolé quand Youl m’a dit que j’avais un bon vélo : mon fameux Champion d’Afrque (toujours sans le ‘i’, voir le message précédent) est le pire vélo que j’ai eu dans ma vie ! : je n’arrive pas à changer les vitesses, le garde-boue frotte sur la roue, la selle est chambranlante, le panier est à moitié démonté, les pneus sont craqués à cause de la chaleur, il y a toujours un bruit inconnu, etc. Mais c’est l’Afrique et je n’ai aucune raison de me plaindre : il m’a menée à bon port sans soucis majeur.
Sur la route de Blady (c’est la route non goudronnée qui mène à Ouagadougou, la capitale, et qui est totalement merdique, surtout pendant la saison des pluies).
En route, je dois avouer que j’ai eu bien soif. Il faisait chaud et je rêvais de ma bouteille d’eau apportée au cas où plus rien n’irait. J’ai réussi à convaincre Youl de ne pas boire en route, croyant qu’il désirait vraiment faire carême. Arrivés au village, chez son oncle le fameux marabout de Blady (je reviendrai dans un autre message sur ce séjour chez le marabout Issouf de Blady), à ma grande surprise il a bu et mangé : il n’avait de toute évidence aucune intention de jeûner ce jour-là !! Blady est un village Dafi, une ethnie où ‘les gens prient’. (Cette expression ‘ils prient’ me fait rigoler : elle est utilisée pour parler des musulmans. Donc si on te demande si tu pries, on te demande en fait si tu es musulman.) Je dois par contre vous dire qu’à Dédougou, beaucoup de musulmans ne font pas le Ramadan ou en tout cas ne le font pas pendant les 30 jours. Moi je ne connais que 2 personnes à Dédougou qui ont réellement fait Ramadan. Par contre, dans les villages, je ne sais pas trop comment ça se passe. À Blady, on était dans la famille d’un marabout (chef religieux) donc tout le monde était en carême. Les burkinabès sont toutefois très respectueux les uns des autres, que tu fasses ou non le jeûne, donc ça n’a pas été un problème que mon ami mange. Toutefois tout le monde a bien rigolé de voir que le musulman mangeait et buvait alors que la toubabou mousso (la femme blanche) jeûnait !!
J’ai attendu avec impatience la rupture ce jour-là. En plus, avec les 2 femmes du marabout, j’ai préparé à manger, ce que j’ai trouvé difficile, n’ayant pas beaucoup d’énergie et ayant très faim ! La rupture fut délicieuse ce soir-là. On a mangé sur une natte par terre dans la maison de Sali, la 2e femme du marabout. On avait de l’eau, du thé, des beignets, de la bouillie de petit mil, du riz, etc.
Dans la cuisine des femmes du marabout de Blady. La cuisson se fait à l’intérieur mais la préparation se fait à l’extérieur.
Tous les plats sont prêts pour la rupture. On a mangé assis sur cette natte dans la maison de Sali, la 2e femme du marabout.
Sali préparant le thé.
Troisième journée de carême
Mon 3e samedi de jeûne fut un peu spécial car je travaillais ce jour-là : j’avais une réunion avec mes collègues au bureau. Donc pas question d’aller en ville à 4 heures le matin pour revenir ensuite chez moi. J’avais besoin de dormir un peu plus alors j’ai prévu le coup la veille : j’ai apporté un plat en ville le vendredi soir pour acheter des pâtes que je mangerais le matin suivant. À 4h15, mon réveil-matin sonnait le samedi pour me permettre de manger mes pâtes qui avaient déjà un peu changé de goût étant donné la chaleur de la nuit (je n’ai pas de frigo chez moi). Donc pâtes, bananes, eau et retour au lit pour quelques heures avant le boulot. Il faisait noir et tout était calme dans la cour chez moi. Malgré que ma famille est musulmane, je crois que seulement les hommes ont fait le carême quelques jours. Je dois dire que toutes les personnes qui ont su que je jeûnais étaient très impressionnées et me félicitaient chaleureusement. Ça semblait très surprenant pour eux et même plusieurs ne me croyaient pas. Je devais insister pour qu’ils me croient et mes amis devaient confirmer que c’était bel et bien vrai !
Ce matin-là, comme je n’avais pas besoin de manger le matin, j’avais mis mon réveil un peu plus tard, question de dormir un peu plus. Toutefois c’est difficile ici de changer ses habitudes : 30 minutes avant mon lever, Bakary mon voisin frappait vigoureusement sur ma porte de métal (comprendre que ça fait tout un vacarme une porte de métal) pour me dire qu’il était l’heure de me lever !!
Il faut savoir qu’ici, comme il n’y a pas beaucoup de blancs, je ne passe pas inaperçue. Je crois que si vous arrivez à Dédougou, en tout cas dans le centre de la ville et dans certains quartiers, pour me rencontrer, vous n’avez qu’à demander la toubabou mousso (femme blanche) et les gens sauront vers où vous dirigez pour que vous obteniez des infos sur ma situation et que vous rencontriez mes amis qui sauront me trouver. Couramment quand je circule, les enfants se mettent à crier ‘toubabou, toubabou, toubabou’ (en insistant bien sur le ‘a’ de toubaaaaabou !) et les adultes m’interpellent aussi ‘hey la blanche’. Sur les routes que j’emprunte, les gens commencent à s’habituer à ma présence mais aussitôt que je prends un nouveau chemin, les regards et les appels sont multiples. Ceux qui ont l’habitude de me voir quotidiennement remarquent toujours mon absence si, par exemple, je suis partie quelques jours au village ou que je passe à des heures où ils ne sont pas là. Par exemple, les gars au coin de la rue qui sont à la fontaine pour vendre l’eau vont me faire remarquer que ça fait quelques jours qu’ils ne m’ont pas vue ! Quant à mes amis que je vois au quotidien, ils savent toujours à peu près où je suis. C’est clair que si je disparais, y’a des gens qui vont s’activer très rapidement !!
Donc Bakary voulait s’assurer ce matin-là que j’allais me réveiller sans soucis. Au boulot, encore une fois, les gens étaient impressionnés que je sois en carême, surtout que les 2 musulmans de l’équipe ne jeûnaient pas. La rupture s’est faite encore avec Damond et j’ai trouvé ce jour-là le coin où acheter les womis. Les petites dames étaient heureuses de me voir. Elles sont installées devant la boutique de yaourt frais et de dégué où la fille est toujours morte de rire quand j’arrive et que je fais ma commande eu dioula, une des langues parlées dans le coin. Ça a été sympa ce soir-là car j’ai discuté avec elles et elles m’ont assise à côté d’elles pendant qu’elles préparaient les galettes. Parce qu’évidemment, la bouffe est préparée sur la rue, sur place, donc c’est frais (ou plutôt chaud) quand tu achètes. Pendant le carême, comme la demande est plus grande, il faut parfois patienter un peu. Depuis ce jour, ces femmes connaissent mon prénom et m’interpellent sur la rue quand elles me voient.
Quatrième journée de carême
Pour mon 4e jour de carême, je ne travaillais pas donc j’ai pu me lever et aller manger à 4 heures en ville avec Damond. C’est tellement génial de se lever alors qu’il fait encore nuit et de se rendre en ville en vélo dans le noir. Il n’y a à peu près pas de routes goudronnées à Dédougou, et surtout pas pour se rendre chez moi. Au début de mon séjour, je pensais que je ne pourrais jamais monter sur mon vélo la nuit pour entrer chez moi tellement les chemins sont mauvais et qu’il n’y a pas de lumière. Maintenant je me suis habituée et j’arrive à me faufiler entre les trous, les arbustes et les précipices (j’exagère un peu mais parfois les trous sont immenses !). Ce matin-là, Damond n’avait pas dormi de la nuit. La nuit avait été une nuit de prière à la mosquée et il n’était pas entré se coucher. Je n’ai pas bien compris ce qu’était le jour précédent exactement. Un jour saint pendant le carême qu’on m’a dit. Je ne sais pas saint pourquoi mais il y avait beaucoup de prières à la radio ce jour-là. Ce que j’ai compris tout de même, c’est que c’était une journée pour manger des gâteries sucrées que les gens s’offraient entre eux. Quand j’étais passée chez Youl, sa petite maman (une des femmes mariées à son père, pas sa maman mais la maman de son (demi) frère Abdoulaye) était en train de préparer les womis et j’ai eu droit à un bon paquet 2 fois dans la journée. Elle m’a aussi donné du dégué que je ne savais pas trop comment manger : il y avait une immense boule de petit mil dans un liquide laiteux. Hum, j’étais interloquée. Elle m’a donné le plat et je suis partie en ville demander à mes amis ce que je devais faire avec ce met alors qu’en plus, ce soir-là, je n’avais plus faim car j’avais déjà bien mangé mais pas moyen de partir sans ce dégué. On m’a expliqué que je devais écraser et défaire la boule à la main dans le plat, ce que j’ai donc fait (voir la photo surprise où j’ai l’air débile en malaxant le dégué). En rentrant chez moi le soir, on m’a aussi offert la bouillie de petit mil que je n’ai pas pu refuser. Ici c’est hallucinant comme parfois on peut se gaver sans contrôler la situation !!
La maman d’Abdoulaye préparant les womis.
Photo surprise pendant que je défais la boule de dégué la main plongée dans le lait caillé. Remarquez les galettes de petit mil par terre à côté de moi.
Donc ce matin-là, Damond était un peu fatigué comme il n’avait pas dormi de la nuit et n’allait évidemment pas entrer pour dormir. Il a passé toute la journée à son salon de coiffure et c’est là qu’on allait se revoir le soir pour la rupture. On a eu une bonne discussion ce matin-là, sur son exil au Niger et en Lybie, je vous en reparlerai certainement dans un autre message. Je ne sais pas comment il a tenu éveillé toute la journée et en plus il a fait bien chaud ce jour-là.
Cinquième journée de carême
Ma dernière journée de jeûne fut une journée de boulot puisque c’était le mardi 30 septembre. Il y avait une incertitude sur cette dernière journée. Habituellement le carême dure 30 jours alors il y avait possibilité qu’il y ait encore une journée de plus mais on ne pouvait pas en être certain comme tout dépendait si le soir des gens allaient voir la lune. Comme moi j’avais dit que j’allais jeûner le dernier jour, je voulais tenir ma parole et j’ai pris le risque d’avoir à jeûner le lendemain à nouveau.
Là je dois avouer que ma concentration au travail fut très partielle….. En plus un ami m’a appelée le midi pour me rendre dans un maquis (bar-resto) pour rencontrer des visiteurs qu’il voulait me présenter. Parfait, je vais là-bas. Ils sont 5 et tout le monde boit des boissons fraîches (dont des bières, ce qui est interdit par l’islam mais j’en connais peu ici qui ne boivent pas d’alcool) puis ils ont commandé à manger. Encore une fois j’étais la seule à jeûner !! Je les ai bien niaisés (chambrés) avec ça en disant que ce n’était vraiment pas sérieux qu’il n’y ait que la blanche qui soit en train de jeûner ! On a bien rigolé mais n’empêche que moi je suis repartie, la gorge sèche (et il faisait chaud), travailler le reste de l’après-midi.
Rupture habituelle avec Damond le soir, après cette journée difficile. Et alors, c’était la dernière journée ou pas ? C’est la fête demain ? On ne sait toujours pas. Le soir je regardais le ciel et je faisais rigoler les gens en disant que je voyais la lune alors que le ciel était à moitié voilé. Quand la nouvelle lune arrive, elle sort très tôt au coucher du soleil et c’est très difficile de la voir. J’ai passé la soirée à espérer que le Ramadan soit terminé : je n’avais vraiment pas envie de jeûner à nouveau. La nouvelle officielle de la fin ou pas ne sortait pas et il n’y avait que des rumeurs. En partant de chez Damond le soir pour entrer chez moi, je me suis entendue avec lui que s’il fallait encore jeûner le lendemain, il allait m’appeler (me biper) à 4h et sinon, ça signifiait que c’était la fête et que je pouvais dormir un peu plus (le lendemain du Ramadan il y a fête et c’est congé partout ici). Vers 22h, j’étais chez mon voisin à prendre le thé et un ami m’envoie un message me disant qu’il faut encore jeûner une journée. Pour être certaine de ne pas rater mon réveil au cas où Damond m’oublie, je mets donc mon alarme à 4h15 (j’étais vraiment motivée !!).
Le matin, mon alarme sonne, Damond ne m’a pas bipée…. Je me lève et commence à manger mon spaghetti tiède et gluant et j’envoie un message à Damond. Il me rappelle pour me dire que le carême est finalement terminé et que c’est la fête ! La nouvelle était officiellement tombée vers 22h30 la veille. Je dois avouer que moi je ne comprends toujours pas comment dans notre monde technologique les astrophysiciens ou même les astronomes ne peuvent pas prévoir à l’avance quand la nouvelle lune se pointera. On m’a dit qu’en fait, les religieux musulmans veulent voir de leurs propres yeux cette nouvelle lune pour annoncer les événements. Trois personnes doivent avoir vu cette nouvelle lune et donc le chef religieux doit attendre des appels de partout à travers le pays des autres religieux qui confirment la nouvelle. Parce que ce n’est pas partout qu’on peut voir la lune avec les nuages, etc.
La fête du Ramadan
Donc jour de congé et de fête. Vers 5h30, un ami passe me voir (évidemment que je m’étais rendormie !) pour m’annoncer officiellement la nouvelle.
Depuis plusieurs jours, 2 chèvres broutaient dans notre cour. La journée de fête était la journée de leur sacrifice. Une est partie je ne sais trop où et l’autre fut égorgée devant moi dans la cour. Avant le sacrifice, elle s’est sauvée à toute jambe, on a bien rigolé de la voir sortir en courant de la cour avec le frère qui a dû courir pour la rattraper. À 9h le matin, il devait y avoir la grande prière. Je ne suivais pas trop l’heure et alors que j’aidais un des frères à dépecer la chèvre, l’autre avec qui je devais aller à la mosquée est arrivé. Il était à peu près 9h et il m’annonce qu’il n’ira plus à la prière car il a une commission à faire. En vitesse je suis partie en ville en vélo pour arriver trop tard : la prière était terminée. Je rageais !! On m’a expliqué que partout dans mon quartier de jour, les gens étaient dehors pour prier vêtus de leurs plus beaux habits. Quand je suis arrivée, j’ai tout de même pu voir la foule colorée et richement habillée rentrer chez elle en discutant avec les voisins. J’ai raté la prière et j’ai encore du mal à rester calme quand j’y pense tellement je voulais être présente. Cette grande prière n’a pas lieu souvent ici et j’ai manqué une belle occasion de la voir. La prochaine occasion sera pour la Tabaski, la fête du mouton (décembre je crois).
La journée fut passée à faire des visites. Avec mon ami Solo, nous sommes allés visiter sa copine et sa grand-maman. En route on a acheté des poulets (ou pintades, je ne sais plus. Comme Solo est commerçant, il paraît qu’il ne doit pas trop manger de poulet car ça porte malheur aux commerçants : je ne vous raconte pas toutes les croyances qu’il y a ici !!!) qui ont été égorgés pendant ces visites.
Plus tard, je suis passée chez un collègue, Sidibé, qui m’a bien nourrie et surtout abreuvée. Comme il est peul, l’ethnie des nomades qui ont des troupeaux de vaches ou chèvres, il avait reçu du lait frais de vache que j’ai pu boire. Tout de suite après j’ai eu droit au Coca (le mélange hallucinant !!) et un peu plus tard il m’a fait boire du bissap’s. On a aussi mangé du poulet fraîchement cuisiné et délicieux. Cette journée est vraiment la journée de la viande avec tous les animaux qui sont égorgés. La viande (plus précisément les animaux) est chère ici alors ce n’est pas tout les jours qu’on y a accès. J’ai fait quelques autres visites et partout j’ai eu droit à la viande : encore une journée où j’ai mangé plus que nécessaire !!
Pour la fête, les femmes s’étaient préparées particulièrement en se faisant natter ou tresser les cheveux les jours précédents. Les gens (surtout pour la prière) et les enfants portaient leurs plus beaux habits.
La fille de Sidibé très fière avec ses tresses et sa jolie robe.
Il ne faut pas oublier que le Ramadan est une fête religieuse et que quand je disais que je jeûnais, on me demandait aussi toujours si je priais : ‘si tu ne pries pas, ça ne sert à rien de jeûner’ qu’on me disait souvent !!!! En tout cas moi, j’ai bel et bien atteint mes objectifs qui étaient de me sentir un peu partie de ce Ramadan avec les musulmans et de comprendre ce que les gens peuvent vivre pendant cette période. Pas facile, je peux vraiment dire par expérience que ce n’est pas facile. En plus, comme ce mois n’est jamais exactement aux mêmes dates chaque année, quand ça se passera en mars-avril aux mois les plus chauds, ça sera pire que tout. J’ai calculé avec un ami que ça sera pour dans 10-12 ans je crois donc ce n’est pas encore pour l’an prochain.
Rosanne dite Bouarabouni Coulibaly de Dédougou