« Si le grand crapeau saute, le petit crapeau ne rampera pas, il sautera lui aussi  »


22 septembre 2009


La saison des pluies au Burkina Faso



Ani sogoma tubabuw musow ni cew, (bon matin les femmes et les hommes blancs)


Me voilà de retour à Dédougou après un congé intense au Québec et un début de séjour mouvementé en Afrique (plusieurs déplacements pour des rencontres à Bobo, à Ouaga et au Ghana).


Vous avez peut-être entendu parler des inondations qu’il y a cette année en Afrique de l’ouest et particulièrement à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. Voilà pourquoi j’ai décidé de vous parler un peu d’une saison importante pour cette région du monde : l’hivernage ou la saison des pluies.


Les prévisions


En mai dernier, j’ai eu un pincement au cœur quand j’ai entendu les prévisions des probabilités de pluies pour la période de juillet, août et septembre 2009 pour l’Afrique de l’ouest données par différents experts : ‘des pluies moins abondantes qu’en 2008 sont attendues dans le Sahel’. On a tous déjà entendu parler de sécheresses en Afrique et des images terribles y sont associées. Je n’ai pas pu m’empêcher de revoir ces images dans ma tête mais je ne m’y suis pas attardée, ne voulant pas attirer le malheur sur le pays. Quand je suis partie en vacances au Québec début juillet, il n’avait presque pas plu encore. Moi qui voulais cultiver les arachides cette année, je n’ai pas pu semer avant mon départ, faute de pluies. Je me demandais bien à quoi ressemblerait la campagne agricole de cette année quand j’allais revenir de congé.


L’hivernage au Burkina


L’hivernage, ou la saison des pluies, commence au Burkina Faso vers le mois de juin et se termine en septembre-octobre. Le reste de l’année, il ne pleut pas. Il y a quelques rares pluies vers le mois de mars et à ce moment, on dit que ce sont les ‘pluies des mangues’ car elles ne servent qu’à ‘laver’ les mangues qui poussent allègrement (et en passant, qui sont exceptionnellement délicieuses !). L’hivernage est donc la saison pendant laquelle les burkinabès cultivent ce qui les nourrira le reste de l’année : principalement le maïs, le sorgho (céréale), le petit mil (céréale), le fonio (céréale), le riz, le niébé (haricot) et les arachides. Le coton et le sésame sont aussi cultivés comme culture de rente : pour faire de l’argent. Quant aux légumes, ils sont plutôt cultivés pendant la saison sèche dans les bas-fonds où il y a possibilité de creuser des puits pas trop profonds pour arroser les plants. À Dédougou par exemple, ce qui peut sembler surprenant, on trouve très peu de tomates en ce moment et elles sont très chères. Je devrai donc attendre la saison sèche pour pouvoir me faire à nouveau de bonnes salades !!

Youl devant un champ de sorgho.

Ladji dans un champ de petit mil.



Champ de sésame en fleurs. Vous voyez les gousses ??

Vous avez déjà ouvert des gousses de sésame ?? Regardez, Ladji en a ouvert une dans laquelle on peut voir les dizaines de petites graines.



Une petite anecdote concernant la profondeur des nappes d’eau souterraines. L’an dernier, j’ai demandé à une de mes productrices pourquoi elle ne cultivait pas de légumes pendant la saison sèche. Elle me disait que l’eau était trop profonde vers chez elle. Je n’avais pas insisté mais j’ai finalement bien compris la situation quand je suis allée dans son village, Tombodougou, et que j’ai vu un puits : l’eau était à plus de 60 m de profondeur !! Les gens là-bas puisent l’eau à l’aide des animaux car c’est un travail extrêmement épuisant.



Le fameux puits de Tombodogou.

Cheval puisant l’eau à plus de 60 m de profondeur à Tombodogou.



Pendant l’hivernage, le paysage de la région change beaucoup. Les herbes poussent dans les champs en jachère et les différentes cultures verdissent les champs cultivés. Quand on se promène sur la route, certains villages semblent avoir disparu parce qu’ils sont cachés derrière les hautes tiges des céréales. Des mares d’eau se forment dans les bas-fonds. Les troupeaux de vaches, moutons et chèvres se retrouvent dans ces zones pour aller boire et les enfants (souvent les enfants bergers des peuls) en profitent pour aller nager et se rafraîchir !!



Troupeau de moutons et vaches se reposant près d’une mare temporaire.

Brebis et son agneau :

hey, hey, les moutons n’ont pas de laine ici !!

Les enfants bergers se baignent dans la mare abreuvant les animaux…

Certaines maisons du village de Souri sont maintenant camouflées derrière les tiges des céréales.




L’hivernage 2009


Alors, qu’est-ce qui s’est passé cette année ? Contrairement à ce qu’on attendait, il y a eu de fortes pluies. À Ouagadougou par exemple, en quelques heures il est tombé plus de 250 mm de pluie. Cela a évidemment créé des inondations. Malheureusement aussi, les maisons ont souvent du mal ici à résister à de fortes pluies. De plus en plus, les gens essaient d’avoir des toits de tôles qui sont plus résistants mais il faut aussi avoir les moyens pour passer d’un toit de terre à un toit de tôles. Énormément de maisons se sont donc effondrées à Ouagadougou. J’ai vu moi-même des quartiers entiers qui avaient disparu. Il y a (eu) plus de 150 000 sans-abris. Un ami, qui travaille à Ouaga dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, me disait que les gens étaient logés dans les écoles où souvent il n’y a pas l’eau courante (ou de puits) et pas de latrines (toilettes)… On a beaucoup entendu parler d’Ouagadougou mais partout dans le pays, il y a eu des zones sinistrées. À Dédougou, un ami m’a dit hier qu’il dormait actuellement dans le salon car sa chambre s’était effondrée !!


Pour ma part, j’ai la malchance d’habiter dans le secteur 3 de Dédougou : un ancien bas-fond… Alors quand il pleut, j’ai l’impression que toute l’eau de la ville se dirige vers ce secteur et les routes deviennent des rivières. Quand l’eau diminue un peu, vous imaginez qu’on se promène tout simplement dans la boue. Quand je rentre chez moi, alors que tout le reste de la ville semble sec, je dois patiner en vélo dans la boue et surtout j’essaie de ne pas mettre pied à terre mais c’est souvent peine perdue. Quand j’entre de nuit, la situation devient plus critique car comme il fait noir, j’ai encore plus de mal à identifier les chemins plus facilement accessibles !


Petite pluie à Dédougou pendant laquelle j’ai réellement observé pourquoi mon quartier était continuellement inondé : toute cette eau descend vers le secteur 3, mon quartier !!



On n’a pas le choix : ou on marche sur le côté dans la boue, ou on marche dans l’eau pour aller souper… À vous de choisir !

Bienvenue sur la grande route devant ma maison : il s’en sortira ce camion ??




Les gens appellent aussi mon quartier ‘Madagascar’ (pays insulaire africain). Pas rassurant du tout !! Je dois toutefois dire qu’en ce moment, c’est exactement comment je me sens : ma maison est une île…! Donc, non seulement le quartier est un bas-fond mais en plus, ma cour est située sous le niveau de la route. Un jour qu’il a énormément plu, l’eau a commencé à entrer dans la chambre par le bas du mur et la cour s’est emplie d’eau. Devant chez moi, j’ai une petite terrasse et heureusement, la terrasse n’était pas inondée. Par contre, pour aller aux toilettes, à la douche, au puits ou simplement pour sortir de la cour, on devait mettre les pieds dans l’eau (l’eau arrivait au-dessus des chevilles).


Je ne comprends pas que les gens de la cour ne s’inquiètent pas de cette situation. Les gens pissent et crachent dans cette eau, il y a des merdes d’animaux et toutes sortes de débris dedans. Quand, en plus, il se met à faire chaud, j’imagine que les bactéries doivent se développer allègrement !! L’eau du puits était exactement au même niveau que l’eau dans la cour. Le sol était donc complètement saturé. Vous pouvez imaginer que le sol de la maison, en béton, est très humide et commence même à casser. L’eau est montée dans les murs à près d’un mètre de hauteur.


Pendant la saison sèche, il y a eu plusieurs mois où j’ai dû aller chercher l’eau à la fontaine du quartier car le puits était à sec. Maintenant j’ai recommencé à aller à cette fontaine mais pas par manque d’eau, plutôt parce que je n’ose plus me laver avec l’eau du puits qui me semble vraiment sale !


Je puise l’eau au puits dans ma cour, les 2 pieds dans l’eau : l’eau du puits au même niveau que l’eau de la mare est-elle réellement de meilleure qualité ??



À un moment, il y a eu un essai de creusage d’un passage pour évacuer l’eau de la cour sur la route : ça a plutôt été un échec. Ce creusage ne nous a finalement amené que des problèmes. Quelques jours après, alors que la cour était enfin presque sèche, il a plu de nouveau. Le passage d’évacuation de l’eau avait été mal bouché. Alors quand l’eau est montée sur la route, le passage s’est ouvert et toute cette eau est entrée dans la cour ! On s’est donc levé le matin et là, plus de terrasse : l’eau arrivait tout juste au pied de la porte. Une précipitation un peu plus important et il est clair que l’eau allait entrer dans la maison. Là on a réellement été chanceux !


Nos maisons sont devenues des îlots dans la cour…

C’est bon pour la moto de rouler dans l’eau ?


Quand la pluie s’annonce maintenant, ça devient un peu plus stressant. Finalement j’ai décidé de quitter la maison pour quelques jours parce que là vraiment, ça ne me plaît pas du tout de marcher continuellement dans cette eau sale. Je ne sais pas combien de temps l’eau mettra à descendre. D’autant plus que la saison des pluies n’est a priori pas encore terminée. En même temps, je ne peux pas me plaindre : j’ai encore une maison qui tient debout ! On verra donc pour la suite.


Les récoltes 2009


Ce qui me rassure, c’est qu’au moins les producteurs agricoles à qui je parle me disent que, s’il y a encore quelques bonnes pluies d’ici la fin septembre, la campagne agricole de cette année sera bonne. Il semble donc qu’en brousse (dans les campagnes), les pluies soient correctes et qu’il n’y ait pas d’inondations, ni de sécheresses. La situation est donc plus critique pour les urbains que pour les ruraux. Souhaitons donc que la campagne se terminera convenablement !


J’y crois pas, il commence à goutter (petite pluie) !!


Je sais que le mois de juillet fut exécrable au Québec cette année. J’espère que la fin de l’été est plus agréable pour vous.


Au plaisir et envoyez quelques nouvelles !!!

Rosanne


Laure et moi devant une de ces marres d’eau temporaire en brousse.